Le 22 octobre 2002 le site islamophile publiait une fatwa d’Al-Mawdudi [1] consacré à l’esclavage en islam. Voici ce qu’on pouvait y lire:
Cela va sans dire que l’esclavage est un acte dégradant et une grave atteinte à l’humanité car cela mène l’être humain à subir humiliations et méchancetés. De plus cela dépeint l’homme comme une simple marchandise que l’on achète et que l’on vend. En fait, il est inutile de dire que l’Islam - qui est une religion qui appelle à préserver l’homme et sa dignité - condamne de telles pratiques.
Puis l’auteur de dénoncer la traite des noirs pratiquée par l’occident:
Les Européens tirent une grande fierté en prétendant qu’ils ont aboli l’esclavage dans le monde, bien qu’ils aient eu la décence de le faire au milieu du siècle passé seulement. Avant cela, ces puissances occidentales pillèrent l’Afrique sur un très large plan, capturèrent les hommes libres, les réduisirent à la servitude et les transportèrent vers leurs nouvelles colonies. Le traitement infligé à ces malheureuses personnes a été pire que celui réservé aux animaux. Les livres écrits par les auteurs occidentaux eux-mêmes témoignent de ces faits
Ensuite l’article est une description du commerce triangulaire qui se conclut magistralemen:
Voici l’histoire des personnes qui dénoncent les Musulmans jour et nuit pour leurs considérations sur l’esclavage. C’est comme si un criminel pointait du doigt un homme innocent.
Puis l’auteur poursuit:
Maintenant examinons rapidement la position et la nature de l’esclavage dans l’Islam! L’Islam essaya de résoudre le problème des esclaves qui étaient en Arabie en encourageant par différentes manières les propriétaires à libérer leurs esclaves. Les Musulmans furent avisés que pour l’expiation de certains de leurs péchés, ils devaient affranchir leurs esclaves. Libérer un esclave de son propre chef était considéré comme un acte de grand mérite, à tel point que le Prophète déclara que les membres d’un individu qui libérerait un esclave seraient protégés du Feu de l’Enfer, et ce, en contrepartie des membres de l’esclave qu’il avait libéré. Le résultat de cette politique fut tel que lors du Califat orthodoxe [1], tous les anciens esclaves de l’Arabie furent libérés. Et enfin: Ainsi, le problème des esclaves en Arabie fut résolu sur une courte période de trente ou quarante ans. Après cela, la seule forme d’esclavage qui fut conservée dans la société islamique était celle des prisonniers de guerre, capturés sur le champ de bataille.
Je reste confondu devant pareil déni. Je commencerai par mettre les choses au point concernant l’utilisation de l’argument de l’affranchissement par les apologistes musulmans, puis, je ferai un bref rappel historique sur la traite des noirs par les musulmans, enfin je citerai un certain nombre de sources islamiques cautionnant explicitement l’esclavage.
L’affranchissement des esclaves
L’affranchissement est, de temps à autre, encouragé dans certains hadiths. D’autres hadiths comme celui-ci organisent juridiquement les conditions de l’affranchissement:
Muslim 2758 : D’après Ibn `Umar (qu’Allah soit satisfait de lui), l’Envoyé d’Allah (pbAsl) a dit : "Celui qui affranchit un esclave pour la part qu’il en possède et qui disposait de la somme nécessaire pour compléter l’affranchissement, doit faire estimer à sa juste valeur cet esclave et donner à chacun de ses coassociés la somme qui leur revient pour affranchir complètement cet esclave. Si ses ressources ne lui permettent pas d’agir ainsi l’esclave restera affranchi partiellement".
Maintenant, mettons les choses au clair sur ce point: l’affranchissement n’est pas synonyme d’abolition de l’esclavage. En islam comme en occident, la liberté de l’esclave se payait. L’affranchissement signifie uniquement que la liberté de l’esclave n’est possible qu’én échange d’argent. On trouve des centaines d’exemples d’affranchissements dans toutes les civilisations ayant pratiqué l’esclavage. A l’époque du Haut-Empire Romain, il était même devenu une pratique courante. On finit même par trouver des descendants d’esclaves parmi les sénateurs. Rome était-il devenu un empire abolitioniste ? Evidemment non. Il n’y a abolition de l’esclavage que lorsque l’affranchissement est général et sans conditions. Or, et c’est peu de le dire, l’islam a été très loin d’abolir l’esclavage. Bien au contraire la civilisation musulmane a offert à cette pratique ses premières traites à grande échelle, dans des conditions souvent abominables.
L’esclavage dans l’histoire musulmane
NB: Les historiens qui étudient l’esclavage dans la civilisation musulmane et ceux qui étudient l’esclavage par les occidentaux sont généralement les mêmes. Le site islamophile serait donc bien en mal de douter des faits établis sur ce point, sauf à douter aussi de l’esclavage pratiqué par les occidentaux. L’islam (entendu ici comme civilisation) partage l’insigne privilège, avec l’occident, d’avoir été la seule civilisation à pratiquer la traite industrielle. La revue L’Histoire a consacré en octobre 2003 un numéro spécial à l’esclavage. Concernant l’islam, Le Monde en fait ainsi le compte-rendu: Entre le VIIe et le XIXe siècle, environ 17 millions d’Africains auraient été "razziés et vendus par des négriers musulmans". "A elles seules, les traites orientales seraient donc à l’origine d’un peu plus de 40 % des 42 millions de personnes déportées par l’ensemble des traites négrières. Elles constitueraient ainsi le plus grand commerce négrier de l’histoire", écrit l’un des auteurs sollicités par la revue, l’universitaire Olivier Pétré-Grenouilleau. Le grand journal arabe Al Hayat insiste d’ailleurs sur la coupable "amnésie" du monde musulman à ce sujet : Comme en témoigne le drame soudanais, les Arabes ont pratiqué l’esclavage sur une large échelle. Pour Al Hayat, il est grand temps qu’ils reconnaissent leur responsabilité. Bakaru SAMBE, chercheur à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon : Dès le XIème siècle, ce que les historiens arabes, à l’instar d’Al- ’Umarî et d’Ibn Batûta, ont dénommé Bilâd as-sûdân, (le pays des noirs) est entré en contact avec les Arabes par le commerce touchant surtout l’or, les esclaves la gomme "arabique" et le sel. C’est, peut-être, ce "commerce silencieux" dont parlait Henri Labouret, qui favorisa très tôt l’islamisation de l’Afrique Occidentale, par le Sud marocain. Les richesses de l’Afrique noire ont aussi profité aux célèbres empires médiévaux des Almoravides et même des Almohades . Nous serons, peut être, obligé de reposer l’éternelle question de la relation entre la cause et ses effets.
L’islamisation de l’Afrique Noire doit du reste essentiellement à la traite des noirs par les musulmans (voir Henri Labouret, Histoire des noirs d’Afrique, PUF, 1950, p.36). Jacques Heers, qui se fonde en grande partie sur le travail des historiens africains contemporains, arrive exactement aux mêmes conclusions (Les négriers en terres d’islam, la première traite des Noirs VII-XVIème siècle, Perrin,2003.) On apprend aussi dans son ouvrage que la castration des esclaves mâles était chose couramment pratiquée. La revue en ligne Hérodote, créée par des professeurs d’histoire, et travaillant à partir de travaux de références, arrive aux mêmes conclusions Les esclaves blancs de Bagdad venaient au début des pays slaves encore païens. C’étaient des prisonniers de guerre vendus par les Européens. (...) On évalue à un million le nombre d’habitants enlevés en Europe occidentale entre le XVIe et le XVIIIe siècle, au temps de François 1er, Louis XIV et Louis XV. En Europe orientale et dans les Balkans, pendant la même période, les Ottomans prélevèrent environ trois millions d’esclaves. (...) La traite arabe a commencé en 652, dix ans après la mort de Mahomet, lorsque le général arabe Abdallah ben Sayd a imposé aux Nubiens (les habitants de la vallée supérieure du Nil) la livraison de 360 esclaves par an. (...) Les spécialistes évaluent de douze à dix-huit millions d’individus le nombre d’Africains victimes de la traite arabe au cours du dernier millénaire, du VIIe au XXe siècle. «Comparé à la traite des Noirs organisée par les Européens, le trafic d’esclaves du monde musulman a démarré plus tôt, a duré plus longtemps et, ce qui est plus important, a touché un plus grand nombre d’esclaves», écrit en résumé l’économiste Paul Bairoch. Quant à l’abolition de l’esclavage, faut-il le rappeler ? elle a commencé dans les pays occidentaux:
Chronologie de l’abolition de la traite des Noirs et de l’esclavage
1751: Les Quakers interdisent l’esclavage au sein de leur communauté.
1792: Le Danemark est le premier pays à abolir la traite négrière.
1793: Abolition de l’esclavage à Saint-Domingue.
1794:
1802: Napoléon Bonaparte rétablit l’esclavage.
1807: Abolition de la traite négrière aux États-Unis et en Angleterre.
1815: Les puissances européennes, dont
1833: L’Angleterre abolit l’esclavage. 1848 (27 avril):
1865: Les États-Unis abolissent esclavage.
1888: Le Brésil est la dernière colonie à abolir l’esclavage.
1926: Conférence internationale sur l’esclavage.
1948: Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’ONU.
Les derniers pays à l’abolir officiellement (ce qui ne veut pas dire qu’ils ont cessé de le pratiquer) sont d’ailleurs...les etats musulmans : Arabie Saoudite, 1955 ; Mauritanie, 1980...
Quand on interdit aux peuples de se plaindre, on a beau jeu, ensuite, de nier l’existence des problèmes. On peut se référer aussi à ce sujet à l’article de la Revue Politique. Sur le site Rights Free: En mars 1994, le délégué spécial des Nations-Unies pour les Droits de l’homme, Gaspar Biro, a fait connaître l’existence au Soudan de ce qui pourrait être appelé des marchés d’esclaves modernes. Comme toute marchandise, le prix de la chair humaine au Soudan a varié en fonction de la demande. En 1988, une arme automatique pouvait valoir six ou sept enfants esclaves. En 1989, une femme ou un enfant de la tribu Dinka - une peuplade pastoral du Nil de taille exceptionnellement grande - pouvait être achetée pour 90$. En 1990, les raids ont augmenté, le marché inondé, et le prix est tombé à 15$. En février 1999, l’UNICEF a reconnu que l’esclavage existait au Soudan. Que dire de l’Arabie Saoudite, qui pratique couramment l’esclavage domestique (source : Amnesty International) : Le pire des sort est réservé aux nombreuses femmes employées comme domestiques. Leurs conditions de vie s’apparente à l’esclavage, elles sont privées de leur passeport, ne peuvent sortir de la maison sans autorisation, ne peuvent fréquenter d’autres personnes et sont régulièrement battues et violées. Dans la très grande majorité des cas, ces abus ne font l’objet d’aucune poursuite et les employeurs sont encouragés par cette impunité. Après cela je me demande si Al-Mawdudi plaisantait lorsqu’ils disait de nous que nous serions comme "un criminel pointant du doigt un homme innocent".
L’esclavage dans les sources musulmanes
L’esclavage dans le Coran:
(16,71) Allah a favorisé les uns d’entre vous par rapport aux autres dans [la répartition] de Ses dons. Ceux qui ont été favorisés ne sont nullement disposés à donner leur portion à ceux qu’ils possèdent de plein droit [esclaves] au point qu’ils y deviennent associés à part égale. Nieront-ils les bienfaits d’Allah?
(2,221) (...) et certes, une esclave croyante vaut mieux qu’une associatrice, même si elle vous enchante (...)
(4,3) Il est permis d’épouser, deux, trois ou quatre, parmi les femmes qui vous plaisent, mais, si vous craignez de n’être pas justes avec celles-ci, alors une seule, ou des esclaves que vous possédez...
(4,36) Agissez avec bonté envers (...) les esclaves en votre possession.
L’esclavage dans les hadiths:
Muslim 1663: Selon Jâbir (qu’Allah soit satisfait de lui) : Un homme de la tribu `Udhra a promis l’affranchissement à son esclave après sa mort. Ceci parvint à la connaissance de l’Envoyé d’Allah (pbAsl) qui demanda à l’homme : "Possèdes-tu d’autre bien ?" - "Non", répondit l’homme - "Qui désire l’acheter ?", dit le Prophète (pbAsl) en s’adressant aux fidèles. Na`îm ibn `Abd-Allah Al-`Adawî l’acheta à huit cent dirhams. Il apporta la somme à l’Envoyé d’Allah (pbAsl) qui l’avait remise à l’homme en lui disant : "Commence par faire la charité à toi-même, s’il en reste quelque chose, dépense-la au profit de ta famille, s’il en reste encore, dépense-la au profit de tes proches, enfin s’il en reste encore, dépense-la par-ci et par-là". Il voulut dire : "Aux besogneux qui t’entourent de droite et de gauche".
On notera ici que le Prophète dissuade le fidèle de libérer l’esclave et lui conseille de le vendre. Un autre bel exemple de l’ardeur de Muhammad à libérer les esclaves:
Muslim 1666: Maymûna bint Al-Hârith (qu’Allah soit satisfait d’elle) a transmis qu’ elle avait affranchi une femme esclave au temps du Prophète (pbAsl). Comme elle lui raconta ce qu’elle avait fait, le Prophète (pbAsl) lui dit: "Eh bien ! Si tu en avais fait don à tes oncles maternels, cela t’aurait valu une meilleure récompense".
Muslim, 3210: D’après ’Abû Hurayra et Zayd ibn Khâlid Al-Juhanî (qu’Allah soit satisfait des deux), Un homme des Arabes vint trouver l’Envoyé d’Allah (pbAsl) et lui dit : "O Envoyé d’Allah, je te le demande au nom du Seigneur, ne décide pour moi que d’après le Livre d’Allah". - "Oui, dit son adversaire qui était plus instruit que lui, décide entre nous d’après le Livre d’Allah et donne-moi la parole". - "Parle", lui dit l’Envoyé d’Allah (pbAsl). - "Mon fils, dit l’homme, était employé chez cet homme et il a abusé de sa femme. Comme on m’avait raconté que mon fils méritait d’être lapidé, je l’ai racheté de ce châtiment en donnant cent brebis et une esclave. Des gens illuminés que j’ai consultés ensuite m’ont appris que mon fils ne méritait que cent coups de fouet et un an d’exil et que c’était la femme qui devait être lapidée". - "Par Celui qui tient mon âme entre Ses mains, s’écria l’Envoyé d’Allah (pbAsl), je vais décider entre vous d’après le Livre d’Allah : on va te rendre tes cent brebis et ton esclave, et ton fils doit recevoir cent coups de fouet et être exilé pendant un an. O ’Unays, va trouver la femme de cet homme et si elle avoue sa faute, lapide-la". ’Unays se rendit auprès de la femme qui fit des aveux et l’Envoyé d’Allah (pbAsl) donna l’ordre de la lapider. Ce qui fut fait. On admirera par ailleurs la grande clémence du prophète qui conseille la lapidation d’une femme.
Muslim, 3183 : D’après ’Abû Hurayra (qu’Allah soit satisfait de lui), Deux femmes de Hudhayl s’étant disputées, l’une d’elles frappa l’autre et lui fit faire une fausse couche. Le Prophète (pbAsl) décida qu’il y avait à payer comme compensation un esclave homme ou femme de bonne qualité.
Muslim 3138 : D’après ’Abû Hurayra (qu’Allah soit satisfait de lui), ’Abû Al-Qâsim (pbAsl) a dit : "Celui qui accuse son esclave d’adultère subira la peine prescrite au Jour de
Muslim 1631: D’après ’Abû Hurayra (qu’Allah soit satisfait de lui), le Prophète (pbAsl) a dit : "Le musulman ne doit pas verser une aumône légale, ni pour son cheval, ni pour son esclave".
Muslim 166: ’Abû Hurayra (qu’Allah soit satisfait de lui) a dit: Nous sortîmes avec le Prophète (pbAsl) pour la conquête de Khaybar et Allah nous accorda la victoire. Pourtant, nous n’eûmes pour butin ni or ni argent, mais surtout des objets, des aliments et des vêtements. Nous prîmes ensuite avec l’Envoyé d’Allah la direction de Wâdî Al-Qurâ. Celui-ci (pbAsl) était accompagné d’un esclave que lui avait donné Rifâ`a ibn Zayd, originaire des Judhâm de la tribu des Banû Ad-Dubayb. A Wâdî Al-Qurâ, cet esclave fut atteint d’une flèche pendant qu’il ôtait la selle de l’Envoyé d’Allah (pbAsl). Les fidèles s’écrièrent alors : "Heureux homme! Il est martyr, ô Envoyé d’Allah !" - "Pas du tout, répondit le Prophète (pbAsl). J’en jure par Celui qui tient l’âme de Muhammad en Son pouvoir, certes la pèlerine qu’il a dérobée du butin au jour de Khaybar -avant le partage- lui consumera le corps !". A ces paroles, les fidèles furent choqués. Un homme vint alors trouver le Prophète, tenant à la main un ou deux courroies de sandales. "O Envoyé d’Allah ! Voilà, dit cet homme, ce que j’ai dérobé au jour de la prise de Khaybar". - "C’est une courroie de feu (ou ce sont deux courroies de feu)", dit le Prophète.
Que l’occident se soit rendu coupable de la traite des noirs et du commerce triangulaire est une chose que nous admettons sans difficulté. De la bouche même d’Al-Mawdudi : "Les livres écrits par les auteurs occidentaux eux-mêmes témoignent de ces faits." On regrette que le même effort critique ne soit pas produit par les apologistes musulmans.
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